En tant qu’entreprise lyonnaise, nous voyons le club de football local faire face à des difficultés financières importantes. La DNCG, le gendarme financier du football professionnel qui s’assure de la bonne santé des clubs, s’est vu promettre par l’Olympique Lyonnais 100 millions d’€ de ventes de ses joueurs d’ici le 31 août 2024. À l’heure où un premier club historique (les Girondins de Bordeaux) a dû descendre en National 2, nous vous expliquons en quoi ce qui arrive à l’OL est grave.
Préambule
- L’OL étant coté en bourse, tous les chiffres sont accessibles au grand public et vous pouvez les retrouver ici.
- Nous allons baser notre analyse sur les chiffres de l’exercice qui se clôture au 30/06/2023.
- Nous formulerons des hypothèses sur l’exercice 2024.
- Nous actualiserons l’article lorsque les chiffres 2024 seront publiés.
Les clubs de sport ne sont pas des entreprises traditionnelles. Les clubs de football professionnels, encore moins. C’est une analyse difficile à faire puisque le business model est assez particulier car on ne gagne pas d’argent avec un club de football.
Et c’est très problématique puisque cela va à l’encontre même de ce que doit être une entreprise.
Pour répondre à une première question que se posent les supporters de foot :
« Si l’OL doit vendre pour 100 millions, pourquoi continuent-ils d’acheter des joueurs ? » »
La promesse des 100 millions d’euros vaut pour l’exercice 2023/2024 qui s’est achevé le 30/06. Les dépenses d’achat des joueurs font partie de l’exercice 2024/2025, qui se terminera le 30/06/2025. L’OL devra donc justifier de ces achats que l’année prochaine.
Cela semble être un « all-in » pour espérer décrocher la Ligue des champions, grosse source de revenus pour le club.
Analyse de la performance de l’Olympique Lyonnais
Le chiffre d’affaires
L’OL a un CA qui oscille entre 110 et 150 millions d’euros. Il est à noter que le trading de joueurs n’est pas inclus dans le chiffre d’affaires. Le CA ne comporte donc que les recettes de billetterie, les droits TV et marketing, les sponsors, les produits de la marque et les évènements (séminaires entreprises par exemple).
Notre analyse : Beaucoup d’incertitudes entourent le CA de l’OL. Le premier est l’aléa sportif, qui impactera toutes les composantes des revenus. Ensuite, ce sont les vents contraires. On sait que le CA 2024 sera nettement meilleur (environ 260M€ contre 143 en 2023) grâce à la perception des droits de CVC[1] et aux revenus générés par la LDLC Arena.
Sauf que l’on sait désormais que les droits TV vont globalement être divisés par 3. Même si l’OL est champion, ils percevront moins que ce qu’ils ont perçu en terminant 7e lors du dernier championnat. De plus, la vente de la LDLC Arena impacte considérablement les revenus puisque 43M€ proviennent des évènements y ayant eu lieu. C’est presque 60M€ qui disparaissent, soit 42% du CA 2023.
Le Résultat Net
Quand on disait qu’on ne gagne pas d’argent avec un club de foot. L’OL en est une bonne illustration. Depuis 2019, l’OL enregistre des pertes.
Notre analyse : Les pertes successives sont problématiques puisqu’elles impactent les fonds propres. Dans une entreprise, les fonds propres constituent un élément très important en analyse financière. Des fonds propres importants témoignent de la solidité financière d’une entreprise. Cet élément comptable est très important aux yeux des investisseurs et des organismes de financement. En 2 ans, malgré ses revenus, l’OL a perdu l’équivalent d’un an de chiffre d’affaires.
Les dettes
En finance d’entreprise, il est courant de dire que le ratio d’endettement (appelé aussi le « gearing ») doit être inférieur à 1. Avec 100 000 € de fonds propres, une entreprise doit avoir moins de 100 000 € de dettes financières. Pour l’OL, les fonds propres sont négatifs : -84M€. Cela signifie que malgré tout l’argent investi par les actionnaires (300M€), l’OL perd tellement d’argent tous les ans que les pertes cumulées s’élèvent à 380M€. Le fait que les fonds propres soient de -84 M€ explique pourquoi la DNCG demande 100 M € de ventes de joueurs avant le 31 août. Donc, nous avons -84M€ de fonds propres, pour 297M€ de dettes… Le ratio doit être supérieur à 0 et inférieur à 1, il est actuellement de -3,5.
Notre analyse : Sur l’exercice qui vient de se terminer, la situation devrait s’améliorer grâce à la vente de la LDLC Arena, de l’OL Féminin également et l’apport financier de CVC. C’est une stratégie courante quand une entreprise est en difficulté de vendre ses actifs pour renflouer les comptes. Sauf que dans le cas de l’OL, c’est reculer pour mieux sauter car on sait désormais que les recettes vont considérablement baisser à terme entre les droits TV, la perte de revenus de la LDLC Arena. Un huitième de finale de Ligue des champions rapporte environ 40M€ à un club. Mais il faut se qualifier en LDC et performer. Cela ajoute donc du risque, car rien n’est garanti.
La trésorerie
Dans des états financiers, la trésorerie indiquée est l’argent qu’il y a sur les comptes à l’instant T. Donc le 30/06/2023, l’OL avait sur l’ensemble de ses comptes 3,4M€. C’est incroyablement bas. Chaque mois, l’OL doit verser environ 10,6M€ pour rémunérer l’ensemble des salariés du club (pas uniquement les joueurs). Si les virements se font le premier du mois, il manquait alors à Lyon 7,2M€ pour payer tout le monde.
Notre analyse : C’est un des points que nous trouvons le plus inquiétant et c’est sûrement ce qui inquiète la DNCG également. 100M€ c’est ce qui permet de payer la quasi-totalité des salariés (et donc des joueurs, puisque ce sont. eux qui font l’essentiel de la masse salariale) pendant un an. Nul doute que, sur l’année 2024, avec les ventes précédemment citées, la situation s’améliorera… pour l’instant.
Notre analyse finale
A l’heure où nous écrivons ces lignes (27/08/2024), Lyon a dépensé 134M€ pour de nouveaux joueurs, sûrement financés grâce aux ventes précédemment citées. Le club est dans une situation où tout le monde est à vendre selon les médias. Cela ressemble à une stratégie risquée pour s’assurer une place en Ligue des champions, une compétition qui rapporte beaucoup d’argent au club, surtout en cas de bons parcours. Sauf que l’argent généré par cette compétition, compensera à peine la perte de revenus des activités annexes que possédaient l’OL.
Si le club doit vendre n’importe quel joueur d’ici la fin du mercato, cela affaiblira sans doute l’équipe. Si l’équipe ne se qualifie pas en LDC. Il faudra alors sans doute vendre pour au moins 150M€ de joueurs l’été prochain. La DNCG interdira sans doute le club de recruter, donc il faudra vendre absolument. Sauf que quand un club est vraiment dans le besoin, il n’est pas en position de force dans les négociations et se retrouve à brader ses joueurs.
La DNCG peut également opérer des retraits de points, ce qui affectera les revenus (puisque cela influence le classement final).
Nous avons pu voir avec Bordeaux que même un grand club peut être impacté, ce n’est pas ce qu’on souhaite à l’OL et sûrement que la stratégie d’une galaxie de clubs pourra sauver l’OL avec des instances étrangères moins dures que les instances françaises. Nous suivrons avec attention la suite en espérant que tout aille pour le mieux.
[1] La LFP a vendu une partie des droits TV sur la durée (cession de 13% des droits à vie) contre 1 milliard tout de suite (dont 50M€ pour l’OL sur l’exercice 2024)